Christian Saint Etienne - France : état d’urgence, une stratégie pour demain
Pour un nouveau contrat social
Le dernier livre de Christian Saint-Etienne vient de paraître . En moins de deux cent pages, l’auteur nous livre son diagnostic de la situation de l’économie française et nous propose une stratégie à la hauteur de l’ambition qui le motive depuis tant d’années : contribuer au redémarrage (renaissance) de la France après trente ans de crise.
L’analyse que fait Saint-Etienne de la situation économique ne choquera personne. A force d’inaction et de tergiversations consuméristes, nous avons raté la première phase de la troisième révolution industrielle (initiée dans les années 80). Nous avons privilégié la consommation sur l’investissement ; nous nous sommes habitués à vivre à crédit, aux bons soins d’un Etat de plus en plus endetté. Nous avons délaissé l’investissement et l’effort en privilégiant le court terme.
Résultat, le contrat social qui nous lie collectivement depuis la fin de la deuxième guerre mondiale n’est plus tenable et doit être redéfini si l’on veut conserver l’essentiel : offrir aux citoyens un travail, une protection santé de qualité et une retraite bien méritée. Les mutations de la fin du XXème siècle, le décloisonnement du monde communiste et l’entrée des pays émergents dans l’économie mondiale, nous obligent à redéfinir nos priorités vers davantage de travail, d’efforts et moins de loisirs. La hausse des dépenses publiques, hier utilisées pour soutenir et orienter l’activité, a atteint de tels niveaux qu’elle n’est plus tenable. Une seule voie s’ouvre à nous : intégrer la nouvelle économie mondiale et canaliser à notre avantage les nouvelles énergies humaines qui la façonnent. Il est indispensable de dépasser nos blocages : déficit, endettement et désindustrialisation ne sont pas une fatalité mais les symptômes d’un système dépassé et qui doit être changé radicalement. En deux mots, Christian Saint-Etienne préfère l’économie de demain plutôt que Demain l’économie. Mettons-nous au travail, nous enjoint-il, et refusons la médiocrité qui consisterait à accepter un futur aux contours délétères !
D’après Saint-Etienne, les principaux défis que notre économie française doit relever ne sont pas insurmontables : adapter sa spécialisation internationale affaiblie par la concurrence, améliorer l’efficacité de la politique économique et sociale de l’Etat, et recentrer l’organisation de son action dans nos belles régions. Pour cela, il suffit de faire confiance aux hommes de qualité que nous sommes. Il nous faut, pour qui se rappelle des slogans maoïstes, d’antan : « compter sur nos propres forces » et « marcher sur nos deux jambes ». Coté forces, il y a les hommes, nos qualifications, et le réseau des PME qui ont contribué à l’émergence de l’i-conomie dans le cadre de la troisième révolution industrielle. Il est et qu’il serait nécessaire de les favoriser grâce à une fiscalité et un financement adaptés, une meilleure répartition des profits et un nouveau contrat social entre les hommes de bonne volonté. Coté jambes, nous pouvons compter sur le partenariat public-privé, moyennant une redéfinition des rôles de chacun de ces acteurs et la recherche d’une meilleure productivité des facteurs de production. Nous pouvons aussi miser sur un financement intelligent et décentralisé des nouvelles métropoles du futur, en privilégiant les moyens de communication nécessaires au développement de ces nouvelles activités. Seule urgence : il faudrait se redéployer assez vite vers de nouvelles activités exportatrices et créatrices des indispensables emplois domestiques.
L’approche de Christian Saint-Etienne est revigorante et on peut apprécier sa haute vision de la France, son humanisme et son analyse rationnelle de la situation économique de notre pays Sur la sortie de crise, l’auteur propose trois pistes déjà bien connues la promotion de l’i ?-économie, la réforme de la fiscalité et l’aménagement du territoire. Chacune d’entre elles mérite une réforme de fond, mais l’auteur n’a malheureusement pas de recette pour que les décideurs publics et privés abandonnent la technique des petits pas au profit des grands travaux… La solution qu’il réserve à l’Euro (du Sud ou du Nord), si par malheur nous avions besoin d’amender notre système monétaire, est plus originale. Après tout, pourquoi pas, en cas d’urgence !!!
Reste l’ambition humaniste et l’idée de la France. La rupture consentie avec la République de l’envie est un projet ambitieux et salvateur. L’appel de Saint-Etienne à la modification de notre contrat social est pressant : il est temps de sortir de notre aveuglement et de ne voir que la crise comme motif de réformer notre système économique. L’adoption d’un nouveau pacte productif et social est un impératif. Laisser une plus grande place à la responsabilité et à la reconnaissance pécuniaire des risques et efforts consentis pour relever les défis de la troisième révolution industrielle est un point de passage obligé. Mais avant de réenchanter le monde, nous devrons encore éprouver les limites de notre organisation économique et sociale actuelle. Cette étape est de tous les risques.
Jean-Christophe COTTA
La biographie de Chistian de saint Etienne
Son Livre : France : Etat d'urgence. Odile Jacob
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